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Publié dans eLife, un article de Kathy Borden améliorant la compréhension des mécanismes du cancer
Publié le 22 novembre 2017
L’équipe de la professeure Katherine Borden, chercheure principale à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) de l’Université de Montréal et professeure au Département de pathologie et de biologie cellulaire de la Faculté de médecine, a publié une étude dans la revue scientifique eLife, réalisée en collaboration avec le Dr Vincent Hascall et le Dr Ronald Midura, chercheurs principaux à la Cleveland Clinic, Ohio, USA, ainsi que des collaborateurs du Centre du cancer Segal de l’Hôpital général juif de Montréal. Cette étude décrit la découverte de la façon dont le facteur d’initiation de traduction eucaryote 4E, eIF4E, modifie la surface des cellules cancéreuses en stimulant la production de couches et de saillies riches en acide hyaluronique en faveur de l’invasion et des métastases.
Au cours des deux dernières décennies, les mécanismes régulant l’invasion du cancer et les métastases ont été de mieux en mieux compris. On pense maintenant que le microenvironnement extracellulaire joue un rôle important dans la croissance tumorale et les métastases. Le glycosaminoglycane acide hyaluronique (AH) est un constituant fonctionnel et structural majeur de ce microenvironnement. L’AH n’est pas un acteur passif, mais joue même un rôle dans les événements de signalisation cruciaux pour maintenir la niche du cancer. L’AH peut également revêtir les cellules tumorales et joue un rôle dans la migration, l’invasion et la formation des métastases. Malgré son rôle bien documenté dans le cancer, on sait peu de choses sur la façon dont la l’AH est régulée ou comment il devient élevé dans le cancer. “Par exemple, les niveaux d’AH ne sont pas toujours corrélés avec les niveaux d’ARN des enzymes de biosynthèse correspondantes indiquant qu’il n’est pas sous contrôle direct de la transcription”, explique la professeure Borden. Cette étude montre plutôt que l’AH est soumis à un contrôle post-transcriptionnel complexe et coordonné par eIF4E. La publication démontre qu’eIF4E stimule la production des enzymes impliquées dans la synthèse des précurseurs UDP-Acide Glucuronique et UDP-N-Acétylglucosamine, ainsi que l’enzyme acide hyaluronique synthase (AHS) qui forme l’AH à partir de ces précurseurs à la surface cellulaire. En outre, eIF4E stimule la production du principal récepteur de l’AH CD44 et de ses médiateurs de signalisation en aval, par ex. Ezrine et MMP9. eIF4E stimule la production en promouvant simultanément l’exportation d’ARNm nucléaire des transcrits codant ces enzymes et leurs cofacteurs. Dans certains cas, eIF4E augmente également l’efficacité de la traduction de ces ARNm. En accord avec ses effets sur la machinerie de biosynthèse de l’AH, la surexpression d’eIF4E est suffisante pour augmenter la production d’AH. Les cellules à haute teneur en eIF4E sont revêtues d’AH et présentent également des protubérances contenant de l’AH rayonnant à partir de la surface cellulaire. L’inhibition d’eIF4E est suffisante pour réduire l’AH à des niveaux de base. En résumé, eIF4E induit un programme post-transcriptionnel, c’est-à-dire un régulon d’ARN, qui élève l’AH et augmente les niveaux de ses co-facteurs essentiels. Cette activité est requise pour l’activité cancérigène d’eIF4E.
Les travaux de l’équipe de la professeure Borden fournissent également la première preuve que les cellules leucémiques (mais pas les cellules CD34 + de volontaires sains) peuvent être enrobées de sucre. Il a été démontré que le déplacement de ces cellules vers la moelle osseuse dépend de l’interaction entre les récepteurs CD44 des cellules leucémiques et l’AH endothélial pour favoriser le roulement de ces cellules sur la paroi endothéliale. L’étude suggère que les saillies riches en AH sur la surface sont nécessaires pour le processus d’intégration après l’extravasation. Il est plausible qu’une fois à l’intérieur de la moelle osseuse, les cellules leucémiques utilisent leurs couches/protubérances d’AH pour envahir la matrice extracellulaire vers la niche où elles peuvent se cacher et échapper au traitement. Alternativement, l’interaction HA-CD44 peut également jouer un rôle dans la communication cellulaire entre cellules cancéreuses ou entre cellules cancéreuses et cellules de la moelle osseuse en faveur de leur survie, ou pourrait induire une sortie de la moelle osseuse de cellules dans la leucémie myéloïde aiguë (LMA) (un sujet jusqu’ici largement ignoré).
Du point de vue de l’eIF4E, ces études démontrent pour la première fois que l’AH est nécessaire pour l’invasion et la migration médiées par eIF4E. En outre, elles démontrent qu’eIF4E peut remodeler la surface cellulaire, d’une manière qui contribue (au moins en partie) à son activité oncogène. La vision traditionnelle est qu’eIF4E augmente l’invasion et les métastases en augmentant les niveaux de VEGF et de diverses MMP qui sont excrétés. Cependant, ces travaux décrivent une manière entièrement nouvelle par laquelle eIF4E peut moduler l’architecture de la surface cellulaire.
En résumé, cette découverte donne un nouvel aperçu de la façon dont la production et l’activité de l’AH deviennent dérégulées dans le cancer. “Ces changements architecturaux ne sont pas observables par microscopie optique parce que les filaments d’AH sont trop étroites (120-130 nm), et sont donc passés inaperçus depuis des décennies”, explique le Dr Zahreddine, première auteure de l’article. Nous montrons que le traitement par hyaluronidase peut inhiber les activités oncogéniques de l’eIF4E in vitro, ce qui suggère que cela pourrait avoir des implications importantes pour les futures stratégies de conception de médicaments. eIF4E a été ciblé avec la ribavirine chez des patients atteints de LMA à haute teneur en eIF4E dans des études cliniques de stade précoce avec des résultats prometteurs. Ces études suggèrent qu’une combinaison hyaluronidase et ribavirine pourrait être bénéfique. « En effet, nous sommes en train de concevoir une étude pour tester cette idée chez les patients atteints de LMA avec nos collaborateurs cliniques » , explique la professeure Borden.