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Démystifier le doctorat en biologie moléculaire pour Mononcle Pierre et Matante Diane

Publié le 14 novembre 2016

Chaque mois, un ou une étudiante de l’IRIC explore une facette moins connue de l’univers de la recherche. Ce mois-ci, Samuel Rochette, étudiant au doctorat en biologie moléculaire, nous explique justement ce que signifie “doctorat en biologie moléculaire”.

Samuel Rochette
Quand on rencontre une nouvelle personne, la première chose qu’on lui demande est généralement ce qu’elle fait comme travail. Dans mon cas, quand on me pose la question, je prends une grande inspiration et je dis, d’un trait : « Je-fais-un-doctorat-en-biologie-moléculaire. » J’avoue que je n’aime pas le dire parce qu’à chaque fois, je vois s’écarquiller les yeux de mon interlocuteur d’une expression voulant dire : « De kessé ? ».

Quand on y réfléchit, c’est une réaction parfaitement normale. En effet, la réponse contient, dans la même phrase, deux termes qui n’ont rien de bien concret pour les non-initiés : « Doctorat » (qu’on associe typiquement aux médecins) et « biologie moléculaire » (qu’on associe, au mieux, à de vieux cours de secondaire oublié pour le premier terme et pour le second… La cuisine ?). Je me suis dit que ça valait la peine d’y consacrer un billet, question de démystifier ces deux mots effrayants et de montrer que ce ne sont pas des extraterrestres qui se cachent sous les sarraus blancs des laboratoires universitaires.

Kessé, un doctorat en sciences ?
La première clarification à apporter est sur le but d’un doctorat en sciences. En bref, un doctorant doit faire avancer la science en faisant des découvertes qui vont se solder par une ou plusieurs publications scientifiques. Pas de découverte, pas de diplôme.

Fort heureusement, les étudiants ne sont pas lâchés seuls au beau milieu de la jungle scientifique sans supervision. Au tout début, l’étudiant se voit confier par son superviseur une question biologique à laquelle il doit répondre à l’intérieur de cinq à six ans. Le superviseur en question est un professeur-chercheur et encadrer des étudiants est une de ses tâches les plus importantes. Cependant, et j’insiste sur ce point, contrairement à ce que véhiculent des publicités et reportages montrant des professeurs vêtus de sarrau et pipette à la main, ces derniers ne font presque jamais d’expériences en laboratoire. Leur travail consiste majoritairement à superviser l’avancement de plusieurs projets scientifiques dans leur laboratoire qui, eux, sont menés essentiellement par des étudiants, stagiaires postdoctoraux et employés. L’autre aspect de leur travail qui accapare une énorme partie de leur temps (et dont plusieurs préféreraient se passer) est la recherche de financement. Parce que, oui, la science coûte très cher !

Kessé, le quotidien d’un doctorant ?
La deuxième clarification à apporter est sur le quotidien des étudiants gradués en biologie. Dans d’autres disciplines relevant plus des sciences humaines, il est possible de faire avancer sa thèse à partir d’un bureau, d’une bibliothèque et sur un territoire d’observation donné. Dans la plupart des sciences naturelles comme la chimie, la physique et la biologie, c’est impossible : l’avancement du projet de thèse requiert d’être physiquement présent sur place dans un laboratoire pour faire des expériences scientifiques. Le quotidien d’un étudiant au doctorat en sciences est donc de faire de multiples expériences qui, prises individuellement, donnent des résultats répondant à des questions très pointues en lien avec son projet de thèse. Une fois ces résultats mis ensemble, on obtient une vue globale d’un phénomène biologique et c’est à ce moment qu’on peut rédiger une thèse.

Par exemple, pour comprendre la fonction d’une molécule biologique peu étudiée, on pourrait d’abord faire une expérience pour identifier quelles autres molécules interagissent physiquement avec elle dans la cellule. Puis, on pourrait faire une expérience pour savoir quelle partie de ladite molécule est importante pour interagir avec ses partenaires d’interactions, une autre pour déterminer leur localisation cellulaire dans la cellule, etc. Les possibilités d’expériences sont presque infinies ! Et elles pourraient mener à des découvertes permettant de mieux comprendre les mécanismes du cancer et accélérer la découverte de nouvelles thérapies.

Pas juste de la main-d’œuvre
Ce serait injuste de réduire la contribution des étudiants et des stagiaires postdoctoraux à une « paire de mains ». S’il est vrai qu’au début de leur formation doctorale les étudiants sont moins familiers avec leur projet et les méthodes qu’ils peuvent utiliser pour répondre à des questions biologiques, on s’attend raisonnablement à voir chez eux une progression intellectuelle les amenant petit à petit à devenir autonomes. Après tout, n’est-ce pas là le but d’un doctorat ?

Des montagnes russes d’émotions
Pour terminer, si un doctorat implique de travailler de longues heures en laboratoire, ce sont aussi des montagnes russes d’émotions. En oeuvrant plus de cinq ans sur le même projet, on devient, par la force des choses, intimement lié à nos résultats. On finit par s’approprier ce projet qui est un peu comme notre propre bébé : quelque chose qu’on a conçu et qu’on hâte de voir marcher.

Voilà qui fait rapidement le tour de ce que veut dire un « doctorat-en-biologie-moléculaire », et j’espère qu’à l’avenir, vos yeux s’écarquilleront un peu moins à l’entendre ! 🙂

Samuel Rochette
Étudiant au doctorat en biologie moléculaire
Laboratoire de recherche de Marc Therrien

Le projet de thèse de Samuel vise à déterminer si la plus ou moins grande présence d’une protéine appelée MapKinase peut provoquer la formation de tumeurs dans certains types de cancer. Ce mécanisme, peu étudié jusqu’à présent, a le potentiel d’accroître significativement notre compréhension de la dynamique moléculaire du cancer.