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Acétylation des histones et cancer : remise en question !

Publié le 13 février 2012

On représente très souvent l’ADN comme une longue molécule linéaire (la fameuse double hélice). En réalité, dans le noyau cellulaire l’ADN est enroulé autour de protéines appelées histones, formant ainsi des structures plus compactes, les nucléosomes. Chaque nucléosome contient un octamère d’histones composé de deux molécules de chacun des quatre types d’histones : H2A, H2B, H3 et H4. Les contacts entre les histones et l’ADN sont régulés par différentes modifications chimiques des histones (phosphorylation, méthylation, acétylation, etc.) qui jouent un rôle important dans plusieurs processus nécessitant un accès à l’ADN. Dans le noyau cellulaire, l Les laboratoires de Pierre Thibault et d’Alain Verreault de l’IRIC ainsi que leurs collègues du département de biochimie de l’Université de Montréal ont mis au point des techniques d’analyse permettant de quantifier très précisément différentes modifications d’histones. Cette percée technologique les a conduits à des observations surprenantes qui soulèvent le doute concernant le lien entre certaines modifications d’histones et le cancer. Leurs découvertes ont récemment été publiées dans le journal Scientific Reports du Nature Publishing Group.

Parmi les différents types de modifications d’histones, on compte l’acétylation (addition d’un groupement COCH3) réversible de certains résidus lysine. Entre autres, l’acétylation des histones joue un rôle important dans la transcription des gènes et la réparation du dommage à l’ADN induit par de nombreux composés utilisés en chimiothérapie du cancer. L’acétylation et la désacétylation des lysines sont respectivement catalysées par les enzymes histone acétyl transférases (HAT) et histone désacétylases (HDACs). Plusieurs composés chimiques agissant comme inhibiteurs des HDACs (HDACi) ont démontré des effets antiprolifératifs intéressants et font présentement l’objet d’études cliniques dans le traitement de certains cancers.
Le mode d’action des HDACi demeure cependant mal compris et il est crucial de déterminer si les histones sont réellement les cibles responsables des propriétés thérapeutiques des HDACi. Il importe aussi de savoir quels sites spécifiques d’acétylation sont affectés par la présence des HDACi. Par exemple, il a été suggéré que l’acétylation de la lysine 56 de l’histone H3 (H3K56ac) constitue un marqueur diagnostique et pronostique pour plusieurs types de cancers.
Les techniques de spectrométrie de masse quantitatives mises au point par les chercheurs de l’IRIC ont permis de démontrer que, même dans les cellules cancéreuses, la modification H3K56ac est très rare et que son abondance demeure inchangée après l’addition de HDACi. Leurs résultats indiquent aussi que les anticorps utilisés précédemment pour étudier H3K56ac n’étaient pas spécifiques. Par conséquent, ces études remettent en question l’existence de lien entre H3K56ac et le cancer. De plus, l’étude des chercheurs de l’IRIC montre que l’addition de HDACi approuvés pour le traitement de certains cancers de lymphocytes (cancers de globules blancs) conduit effectivement à une hyperacétylation de la majorité des molécules d’histone H3 et H4. Cependant, cette hyperacétylation a lieu dans les cellules normales aussi bien que dans les cellules cancéreuses.
Ces résultats soulèvent une question importante sur laquelle les chercheurs devront se pencher : est-ce que les effets thérapeutiques des HDACi sont induits par l’hyperacétylation des histones ou par l’hyperacétylation d’autres protéines?

Étude citée

Drogaris P, Villeneuve V, Pomiès C, Lee E-H, Bourdeau V, Bonneil É, Ferbeyre G, Verreault A, Thibault P. (2012). Histone Deacetylase Inhibitors Globally Enhance H3/H4 Tail Acetylation Without Affecting H3 Lysine 56 Acetylation. Scientific Reports. 2:220